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ciné d'asie - Page 6

  • Ciné d'Asie : Swordsman 2 (1992)

    Un film de Ching Siu-Tung

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    En ce long week-end, période propice à l’évasion, l’exotisme, au dépaysement, inaugurons ici un rendez-vous qu’on espère régulier : Ciné d'Asie, une rubrique spéciale sur le cinéma asiatique (et plus particulièrement Hong-Kong / Chine / Japon / Corée) qui saura prendre soin des passagers, habitués ou occasionnels, qui seront tentés de l’expérimenter.

    Sans plus attendre, envolons-nous (avec un trampoline, c’est plus facile) avec Swordsman 2, de Ching Siu-Tung, dont on a déjà parlé récemment avec ses Histoires de fantômes chinois. On ne peut qu’inclure Tsui Hark, officiellement producteur, dans l’exercice de réalisation de ce Swordsman-ci, suite d’un premier opus ayant provoqué un renouveau du wu xia-pian (film de sabres chinois) à Hong-Kong. Difficile en effet de ne pas reconnaître le style totalement fou d’une caméra défiant les principes physiques qui régissent toutes choses sur notre bonne vieille Terre (apesanteur, équilibre, …), ainsi qu’un montage s’affranchissant de toutes normes établies.

    En plus de cette patte visuelle incontestable pour qui est familier des films du plus reconnu des cinéastes hong-kongais –sur la toile, dans plus d’un forum estampillé cinéma on peut croiser le désormais classique, véritable signe de ralliement entre fans, THRTW, alias Tsui Hark Rules The World, no comment-, on apprécie un film-monde, où les chevaux sont coupés en deux par le souffle de la force vitale des combattants, où l’on marche sur la cime des brindilles, où des ninjas volent sur leurs propres étoiles, où les guerriers peuvent en découdre à l’aide d’aiguilles à tricoter… A mon humble avis, on dépasse dans ce film le nombre d’idées folles déployées en une fois –même si Takashi Miike, réalisateur aussi prolifique que spécialiste des grandes idées de malades, se pose en concurrent sérieux.

    Des idées, Swordsman 2 n’en manque donc pas. Par contre, pour que ces idées soient mises en forme dans un tout cohérent, ne serait-ce que pour esquisser un semblant de clarté scénaristique, comment dire… faudra repasser. En effet, au prix des quelques premières séquences, où, il faut bien l’avouer, on ne comprend pas trop ce qu’il se passe, on choisit de se focaliser sur le cœur de l’histoire, à savoir une romance extrêmement ambiguë, entre un guerrier n’aspirant plus qu’à la paix (Jet Li, beaucoup plus dans la comédie qu’à l’habitude, ce qui ne lui sied guère) et Asia, qui n’est autre que le grand méchant de l’histoire ; axe totalement réussi. Ce bref résumé, loin de décrire le maelstrom dans lequel le spectateur est aspiré –si toutefois il daigne se laisser emporter-, peut tout de même rappeler aux habitués de nos chroniques, et aux autres qui connaissent Histoires de fantômes chinois, un certain air de ressemblance par rapport à cet axe précis.

    Alors, j’entends, de ci de là, un petit "mais pourquoi commencer par le n°2 ?", car je n’ai pas vu le premier épisode de cette trilogie. Là, nous devons parler de la stratégie commerciale de Metrpolitan, assez retorse, dont j’étais, rassurez-vous, informé. De cette trilogie, sortie en coffret intégral en dvd, n’est paru, à l’unité que l’un des épisodes, et c’est… ce deuxième. La raison en est finalement assez simple : elle répond à une exigence de casting. Jet Li + Rosamund Kwan (le couple des Il était une fois chine, saga populaire) + Brigitte Lin, alias une des plus belles actrices HK. De plus, le second est, semble-t-il, plus pro (meilleurs effets spéciaux, plus grand soin visuel…). Mais là où le procédé devient limite, c’est que le film est titré sur la jaquette Swordsman – la légende d’un guerrier, en omettant volontairement le n°. Ceux qui sont documentés sur la saga savent que Jet Li n’est finalement pas dans le premier ni le troisième, mais … ce ne sera pas tout le monde. Voilà pourquoi, ne voulant pas risquer de perdre trop gros su jamais les films n’étaient pas à mon goût, j’ai préféré découvrir l’opus mis en avant à l’unité. Bien m’en a pris, malgré le côté carrément foutraque de l’ensemble. On peut être tout à fait déçu de la relâche au niveau progression narrative mais il est également connu que les films HK ont le chic pour construire des scénarios à base de multiples couches d’histoires qui s’entremêlent, avec lequel le public occidental n’est pas familier.

    Après ces quelques lignes, vous sentirez-vous attirés par une expérience (qu’en tous les cas, on n’oublie pas) ? Je n’en sais rien, mais je vous y engage !

  • Ciné d'Asie : Histoires de fantômes chinois (1987)

    Un film de Ching Siu-Tung

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    Grand succès à sa sortie, localement, puis internationalement, A Chinese Ghost Story a attiré l’attention du monde entier sur le fascinant cinéma de Hong-Kong, alors en plein boum.

    Produit par Tsui Hark, désireux de poursuivre ce qui avait fait le succès de son Zu, les guerriers de la montagne magique (1984), il s’adjoint du chorégraphe de ce dernier film, Ching Siu-Tung, également réalisateur -son premier film, Duel to the Death, est un wu xia-pian, film de sabres assez reconnu. Ching Siu-Tung fait ainsi partie de ces réalisateurs-chorégraphes tels qu’est aujourd’hui un Yuen Woo-Ping (réalisateur moins talentueux que les combats magistraux qu’il chorégraphie dans Tigres et Dragons ou Matrix) ou Liu Chia-Liang, assistant de Chang Cheh à la Shaw Brothers puis réalisateur dans cette même compagnie de certains des meilleurs films d’arts martiaux jamais tournés (La 36e chambre de Shaolin, 1978, Shaolin contre ninja, 1983).

    On retrouve dans la réalisation de HFC un soin constant donné aux couleurs et aux compositions de plans, tantôt classiques dans leur symétrie, tantôt furieux dans leurs mouvements incessants, accompagné d’un montage très rapide qui constitue la marque du cinéma de Tsui Hark, dont la quintessence est visible dans The Blade, 1990 et Time and Tide, réalisé en 1999. HFC est un film d’esthètes, dont tous les plans recèlent une beauté picturale qui s’accorde avec le fond du propos. Dès la première séquence, qui nous montre une jeune fille attirant dans ces filets un simple voyageur, on nous montre l’endroit, un vieux temple, ainsi que la personne responsable du mal qui terrorise le village. Pourtant, il s’en dégage un réel parfum onirique, romantique et érotique (tant de -iques qui ne sont pas néfastes, bien au contraire).

    Après cette introduction où sont déjà intimement mêlés fantastique, érotique et horreur, arrive le personnage principal, un jeune collecteur des impôts naïf qui fait tirer le film vers la comédie. C’est ce qui est fascinant avec le cinéma hong-kongais, où l’on n’hésite pas à mélanger des genres qui paraissent incompatibles. Ici, on ne segmente pas. On retrouvera même des affrontements à l’épée typiques du wu xia-pian, que Ching Sui-Ynug a du bien s’amuser à chorégraphier. Le cinéma est donc une grande marmite où l’on trouve de tout, et avec un bonheur certain, quand la partition est exécutée de main de maître, comme c’est bien le cas ici. La love-story impossible qui va suivre, entre un mortel et un fantôme, est lyrique, touchante, et rappelle le mythe d’Orphée et Eurydice. Le patrimoine chinois recèle lui-même d’autres histoires aux connexions similaires, telle celle des amants papillons, exploitée dans le très beau The Lovers, que Tsui Hark réalisera en 1994, et un autre métrage fantastique dans la même veine qu’Histoires de fantômes chinois, Green Snake, toujours réalisé par Tsui Hark en 1993. On ne sait d’ailleurs pas où s’arrête véritablement la participation de Tsui Hark à Histoires de fantômes chinois, certains allant jusqu’à dire qu’il réalisa lui-même de nombreuses scènes du film. Le mélange prend en tous les cas une très bonne tournure, tant les scènes entre le jeune collecteur, Ning, et le fantôme (jouée par la belle Joey Wong) sont touchantes.

    Les compositions de couleurs, atteignant des sommets, donne au film un cachet impressionniste évident, et l’articulation entre les différentes séquences forme un scénario assez limpide, comme ce n’est le cas qu’assez rarement dans ce type de narration. Quand la force des couleurs vient s’accompagner d’un choc psychologique, on ne peut que saluer la réussite incontestable de ces exotiques Histoires de fantômes.

  • Ciné d'Asie : Nuages d'été (1958)

    Un film de Mikio Naruse

    3472155583_97abbcea67_m.jpgAlors qu’il y a quelques mois, nous découvrions son chef d’œuvre, Nuages flottants (1955), dont on reparlera à coup sûr dans ces colonnes, la vision d’autres films de ce réalisateur prolixe (une carrière de 90 films, ça n’est pas rien) s’imposait. C’est chose faite aujourd’hui grâce au coffret édité il y a quelques années par Wild Side Video dans ses fameux Introuvables. Nuages d’été nous montre une famille d’agriculteurs, dont le patriarche tient à garder le contrôle. En effet, une des lignes d’évolution du film sera l’envie des enfants de s’affranchir de cet héritage agricole, en voulant devenir étudiant, commerçant...

    Le monde est en train de changer. La figure du père, incarnant les traditions, la façon de vivre à l’ancienne, est déstabilisée car descend de son piédestal. Les jeunes femmes veulent étudier, les couples s’installent sans s’être mariés au préalable... Situé juste après la deuxième guerre mondiale, présente en filigrane dans le récit (l’héroïne est veuve de guerre), le film nous montre le décalage des désirs et des façons de vivre entre deux générations. Décalage qui s’exprime déjà dans les modes vestimentaires, entre les vestes portées par les jeunes et les kimonos traditionnels qui ont la faveur des générations plus matures. Ces derniers ne semblent pas être issus du même siècle. Malgré la résistance du père, les jeunes vont arriver à leur fin. Cette période de transition s’illustre aussi, dès le début du film, par une enquête où un journaliste interroge la population sur les effets d’une réforme agraire instaurée peu avant, basée sur le partage équitable de l’héritage entre les enfants. Tout est en train d’évoluer, d’être ré-arrangé, bousculant les comportements, en laissant certains sur le carreau. L’empreinte du passé est néanmoins indélébile, et reste à portée tant que la génération des pères reste en vie.

    Un autre aspect intéressant de Nuages d’été est son rapport constant aux finances : les questions d’argent y sont prégnantes de bout en bout, laissant imaginer qu’il s’agit d’un personnage supplémentaire et central. L’argent est la raison invoquée qui pousse le patriarche à refuser à sa filles ses études (qui se double bien sûr d’une réaction face à la volonté d’émancipation de la jeune fille), et tout est, tôt ou tard, réduit à des questions financières. D’ailleurs, alors que le film pourrait mettre plus en valeur les trajectoires dynamiques et quasi-révolutionnaires des fils et filles voulant s’échapper de leur déterminisme, on s’attarde plutôt sur le personnage du père, qui veut décider de tout en ce qui concerne l’avenir de ses enfants. On reconnaît derrière ce choix clair la personnalité de Naruse, connu pour ne refuser aucun contrat de film, car il avait sûrement une terrible peur du manque d’argent. Même si ce dernier n’a jamais été considéré comme un auteur par son côté "réalisateur à la chaîne", le rapprochement que l’on peut faire entre l’obsession dépeinte dans le film et son propre comportement est évident.

    Mais le personnage principal est présenté comme étant celui de la tante, veuve de guerre qui a clairement besoin de retrouver une sociabilité après des années de solitude ; une amie lui dit même à un moment qu’elle "la croyait morte". Ce besoin va s’exprimer par l’attirance qu’elle éprouve pour le personnage du journaliste, pourtant un home marié -dont on ne verra jamais la femme-. Les choix francs de Naruse concernant les enchaînements d’actions et l’apparition ou non de certains personnages qui auraient pu avoir leur place dans le film, lui donne un côté étrange : alors que certaines choses paraissent manquer, d’autres semblent en trop, notamment toutes les interactions familiales entres différentes générations qui brouillent les pistes de la généalogie de cette famille : au bout d’un moment, on nage dans un léger flou à ce niveau-là. Mais, de cette posture particulière, naît une identité assez unique, car au final on ne se soucie guère de la structure familiale pour laisser la place à l’éclatement du carcan familial.

    Nuages d’été est le premier film en couleurs de Naruse, ainsi que le premier où il expérimente le format panoramique. Il en ressort une grande beauté, qui rehausse les paysages agricoles, et des couleurs omniprésentes, comme s’il testait tous les rendus des variations colorimétriques.

    Sans égaler la réussite éclatante de Nuages flottants, ce film-ci, malgré un flou qui peut faire décrocher le spectateur, reste digne, et illustre un témoignage de première main, quasi-documentaire, étude sociologique, d’un moment dans l’histoire du Japon.